AprÃs une licence de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) à Nanterre Université, un Master en Préparation Mentale décroché à Nantes et un diplÎme européen en préparation mentale, Valentin Huvelin est officiellement devenu coach mental. VĂ©rifiĂ©le 16 novembre 2020 - Direction de l'information lĂ©gale et administrative (Premier ministre) La durĂ©e maximum d'enseignement dans les Ă©coles primaires (maternelle et Ă©lĂ©mentaire Lesillumini sont de retour ! Nous sommes heureux de vous inviter Ă  la deuxiĂšme Ă©dition des Illumini conçu autour du thĂšme des erreurs ! Et on vous promet de nombreuses Ă©volutions, vous allez ĂȘtre bouleversĂ© ! Pour ceux qui se demandent : "Mais c’est quoi ce TRUC ". Description: Bonjour Ă  tous, et bienvenue Ă  tous! En effet, pardonnez-moi de cet Ă©lan verbale, mais ce site conçu avec l'aide de mon Petit frĂšre, et pleins d'autres personnes, Ă  pour but de rĂ©unir tous les passionĂ©s d'Histoire et de gĂ©ographie, dans le but de transmettre (en particulier l'Histoire de France), Ă  tous ceux qui dĂ©sirent comprendre TroislycĂ©ens de L’Institution Notre-Dame, Ă  Chartres, reprĂ©senteront leur Ă©tablissement, dĂ©but mars, lors d’une compĂ©tition internationale sur le modĂšle des Nations Unies, Ă  Cambridge 14 De quoi ne pouvez-vous pas vous passer: Ma chicha X-) 15- Ceux Ă  qui vous tenez le plus sur Terre :ma famille et ma copine et mes amis 16- Votre Ă©mission de tv favorite: aucune 17- Votre film favori: plusieurs 18- Votre sĂ©rie Tv favorite: Je regarde des mangas donc on va dire "Death note" mais en serie j'adore DExter aussi 19- Ce kil y a sur Nouscherchons toujours Ă  respecter nos engagements, mais de nombreux Ă©lĂšves n’ont pas pu prendre leurs heures de conduite pendant le confinement et aprĂšs le confinement nous avons eu un rush au niveau des inscriptions. A cela s'ajoute un retard accentuĂ© par la pĂ©nurie d’inspecteurs dans les centres d’examens mais aussi de Blogs profils, rencontres, chat, photos, vidĂ©os, musique Avec Skyrock, crĂ©e gratuitement ton rĂ©seau d'amis et partage tes photos, tes vidĂ©os et tes gadgets en illimitĂ©. FaceĂ  ce constat, le Gouvernement a choisi une autre orientation. DĂšs 2018, le budget de l’enseignement supĂ©rieur et de la recherche a Ă©tĂ© portĂ© Ă  14,8 milliards d’euros, soit prĂšs d’1 milliard de plus que dans la loi de finances pour 2012. En 2021, les crĂ©dits augmenteront de 400 millions d’euros, pour un total de 15,9 Cematin-lĂ , Simon n'a pas de temps Ă  perdre : il doit se rendre Ă  la poste, chez le cordonnier, Ă  la bnaque, faire quelques courses et surtout, aller chercher son fils Mehdi Ă  l'Ă©cole Ă  b5VrNK. 25/11/2018 7 25 /11 /novembre /2018 2011 QUESTIONS CCM Voici ci-dessous une liste des questions susceptibles d'ĂȘtre demandĂ©es lors de l'entretien au consulat de France au maroc en vue de l'obtention du CCM certificat de capacitĂ© au mariage l'obtention du CCM est obligatoire pour tout couple mixte en vue d'un mariage. il est impĂ©ratif d'obtenir le CCM AVANT tout mariage avec les autoritĂ©s locales marocaines. DES ACCORDS FRANCO MAROCAINS EN MATIÈRE DE MARIAGE MIXTE OBLIGE A PASSER PAR L'ETAPE CCM POUR NE PAS AVOIR DE SOUCIS DANS LA SUITE DE LA PROCEDURE. Cette liste a Ă©tĂ© obtenue aprĂšs lecture de differents forums et experiences de couples Franco Marocains qui sont passĂ©es par ce rendez vous obligatoire. En orange les questions ccm les plus frĂ©quentes. 1 Nom, PrĂ©nom ? 2 Madame, Monsieur parlez vous français ? 3 OĂč vous vous ĂȘtes rencontrĂ©s ? 4 Date de dĂ©but de votre relation ? 5 Adresse MSN de chacun ? 6 Le nom du site de votre rencontre ? 7 Combien de fois vous communiquez par jour ? 8 Date et lieu de naissance de chacun ? 9 est ce votre premier passeport ? 10 Pourquoi vous avez fait votre passeport en 2007 ou bien 2006 ou bien 2005 etc... ? il vont chercher Ă  savoir quelles ont Ă©tĂ© les motivations de faire un passeport Ă  la date d'etablissement inscrite dessus 11 Comment vous communiquez ? lettre, telephone, internet...pigeon voyageur sourire 12 Combien de fois, vous vous ĂȘtes vus ? 13 DurĂ©e de chaque sĂ©jour ? 14 Depuis quand vous avez parlĂ© du mariage ? 15 Avez-vous fait une fĂȘte pour les fiançailles ? 16 Quelle est la situation de la famille ? les revenus financiers ? 17 Votre numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone ? 18 Est-ce que c’est un mariage forcĂ© ? 19 Est-ce que tu as fais d’autre rencontre sur Internet ? 20 As-tu eu une relation amoureuse ? 21 Est-ce que ta famille ta dĂ©jĂ  prĂ©senter une fiancĂ©e ? 22 Si tu as des frĂšres des soeurs, est ce qu’ils sont mariĂ©s ou fiancĂ©e ? 23 Tes frĂšres tes soeurs parlent français ? 24 Leurs niveaux des Ă©tudes ? 25 Ils font quoi dans la vie ? 26 Quelles sont les ressources des familles cĂŽtĂ© français et marocain ? 27 Qui a pris la dĂ©cision de se marier ?lui ? toi ? 28 Avez-vous reçu ou donnĂ© une dote ? 29 Qu’est ce que vous avez eu comme cadeau de fiançailles ? 30 Pourquoi tu veux l’épouser ? 31 Pourquoi elle a rĂ©pondu oui » ? 32 OĂč allez vous vous marier et qui l’organise ? 33 Qui va venir de la famille au mariage ? 34 Un mariage simple ou traditionnel ? 35 Vous logez oĂč ? 36 Donc vous dormez ensemble ? 37 Vous dormez oĂč ? 38 Et lui ? 39 Vous ne dormez pas ensemble ? 40 Projet pour le futur ? 41 Son salaire ? 42 Vous ĂȘtes sur qu’il vous aime ? 43 Il ne vous aime pas plutĂŽt pour les papiers ? 44 Ce que vous envisagez de faire en France ? 45 Vos projets ? 46 Connaissez vous un peu la France ? 47 Avez-vous des enfants ? 48 Depuis combien de temps vous travaillez ? 49 Y’a-t-il eu dĂ©jĂ  des bancs publiĂ©s ? 50 Qui a avouĂ© le premier ses sentiments ? 51 OĂč comptez vous habiter ? 52 Allez vous acheter une maison ? 53 Nombre d'enfants souhaitĂ©s ? 54 Les familles se connaissent- elles ? 55 Comment vous voyez votre vie ? 56 Nom pĂšre - mĂšre - soeur - frĂšre de chacun ? 57 A-t-il de la famille en France ? 58 Tu as de la famille en Europe ? 59 Vos tĂ©l, adresses ? 60 Racontez moi vos souvenirs ? 61 En France il fait toujours froid, comment faire contre ça ? 62 Quand vous serez en France, pas de famille, vous serez isolĂ© ? 63 Vos niveaux Ă©tudes ? spĂ©cialitĂ©s ? ce que je veux avoir comme diplĂŽme ? 64 Vas-tu arrĂȘter tes Ă©tudes ? 65 Comment avez vous appris le français ? 66 Dans une Ă©cole marocaine ou dans une mission française ? 67 Sais-tu Ă©crire en français ? 68 Qu’est ce que tu penses de la religion musulmane ? 69 Allez vous vous convertir ? 70 Votre travail ? 71 Dans quoi ton homme va bosser ? 72 Vos goĂ»ts - qu’est ce que tu aimes manger ou boire ? 73 Qu est ce que tu aimes pas manger ou boire ? 74 Est ce qu'il t’a dĂ©jĂ  demandĂ© de l'argent ? 75 Par exemple si ton a chĂ©rie habite Ă  Toulouse, oĂč se trouve Toulouse ? 76 Est-ce que ses parents vous apprĂ©ciez ? 77 Est ce que vous entendez bien avec eux ? 78 Est-ce que vous parents sont favorables et contents pour le mariage ? 79 Est ce que sa famille vous accepte ou vous met-elle Ă  l'Ă©cart ? 80 Connaissez vous ses amis ? 81 Leurs prĂ©noms ? 82 Sortiez vous souvent ? 83 Date prĂ©vue pour la cĂ©lĂ©bration du mariage ? 84 Allez vous faire un contrat de mariage ou sĂ©paration de bien ? 85 Quel est son parfum ? 86 Quelle est la couleur de sa voiture ? 87 Quelle marque ? 88 Connais-tu sa maison ou son appartement ? nombre de piĂšces ? 89 Si le visas est refusĂ© envisagez vous de vous installez au Maroc? Je prĂ©cise que vous n'aurais JAMAIS Ă  rĂ©pondre Ă  toutes ces questions. c'est juste une liste de questions possibles. Dans la pratique vous en aurez une dizaine environ. Le meilleur conseil, ĂȘtre sympathique, dire la vĂ©ritĂ© et ne pas considĂ©rer l'agent consulaire comme un ennemi meme si le premier contact est parfois un peu froid. Il ne fait que son travail et la gentillesse facilite beaucoup les choses. Ne pas oublier aussi de laisser parler Madame ou Monsieur d'origine Marocaine QUESTIONS / REPONSES SUR LA PROCEDURE CCM certificat de capacitĂ© Ă  mariage QUESTION CCM, question CCM consulat de france, questions demandĂ© pour un ccm, certificat de capacite a mariage, questions demande pour le CCM, quel questions pour le ccm, certificat ccm questions possible, questions frequentes CCM, quelle sont les questions lors d'un rdv ccm, question de ccm mariage mixte, questionnaire a capacitĂ© a mariage, questions pour ccm, entretien CCM, questionnaire ccm, le CCM en 89 questions, questions CCM 2009, Partager toutCOMMENT Loisirs ActivitĂ©s de loisir Autres activitĂ©s rĂ©crĂ©atives ActivitĂ© Ă  faire en couple 32 questions de logique avec rĂ©ponses Des questions piĂšge, des Ă©nigmes, les jeux de logique... peu importe comme vous les appelez, les questions de logique sont idĂ©ales pour le dĂ©veloppement cognitif ainsi que pour passer le temps. Pendant les voyages, les Ă©nigmes peuvent distraire les enfants, lors d'une soirĂ©e, elles peuvent devenir un jeu rigolo pour les ados et les adultes. En fin de compte, le plus important est de s'amuser avec vos amis ou votre famille. DĂ©couvrez ces 32 questions de logique avec rĂ©ponse que nous vous avons sĂ©lectionnĂ© avec soin chez toutCOMMENT ! Index Question de logique facile Question de logique difficile - top 10 Question de logique avec rĂ©ponse - top 7 Question de logique facile Les questions de logique faciles sont idĂ©ales pour distraire vos enfants. DĂ©couvrez vite ces questions de logique Comment rendre plus lĂ©ger un rĂ©cipient d'eau d'une tonne ?Chaque mouvement de l'air me fait frissonner et trembler, mais je suis capable de supporter les trucs les plus lourds du monde. Qui suis-je ?Qu'est-ce qui se mouille en sĂ©chant ?Qu'est-ce qui augmente toujours et ne diminue jamais ?Qu'est-ce qu'une petite tache argentĂ©e au milieu de la pelouse ?Qu'y a-t-il au milieu de l'infini ?Je ne respire pas mais j'ai beaucoup de souffle. Qui suis-je ?Qu'est ce qui s'allonge et se rĂ©trĂ©cit en mĂȘme temps ?Je suis le deuxiĂšme nĂ©e d'une famille de douze enfants, mais je suis le plus court. Qui suis-je ?Qu'est-ce qui monte et descend sans bouger ?On me prend sans me toucher. Qui suis-je ?J'ai 5 doigts mais je n'ai pas d'os. Qui suis-je ?Plus je suis chaud, plus je suis frais. Qui suis-je ?Dans le ciel je suis un, sur la Terre je suis deux. Qui suis-je ?Comment transporter de l'eau dans ses mains sans rĂ©cipient ?RĂ©ponses pour questions de logiqueUn servietteL'ĂągeUne fourmi qui utilise un appareil dentaireLa lettre FLe sĂšche-cheveuxLa vieLe mois de fĂ©vrierL'escalierUne photoUn gantLe painLa lettre eEn la congelant. Question de logique difficile - top 10 Les questions de logique difficiles sont idĂ©ales pour favoriser les moments de dĂ©tente et dĂ©fier ceux qui se croient trop intelligents. Dans certains types de questions de logique, comme vous le verrez, la rĂ©ponse se trouve dans la question elle-mĂȘme. Ne lisez jamais une question de logique une seule fois avant d'y de suite notre liste de question logique avec rĂ©ponse Je parle toutes les langues et j'ai toujours la tĂȘte Ă  l’inverse. Qui suis-je ?Quand les Russes cĂ©lĂšbrent-ils la rĂ©volution d'octobre ?La mĂšre d'Ana a 5 filles Fafe, Fefe, Fifi, Fofe et... Comment s'appelle la derniĂšre fille ?Sur le chemin du retour au marchĂ©, ChloĂ© compte dix arbres Ă  sa droite. AprĂšs les courses, elle rentre chez elle et compte dix arbres Ă  sa gauche. Combien d'arbres a-t-elle vu au total ce jour-lĂ  ?Dans une chambre carrĂ©e, il y a un chat dans chaque coin. Chaque chat voit trois autres chats. Combien de chats au total sont prĂ©sents dans la piĂšce ?Jules s'est rendu seul Ă  la boulangerie du centre ville. En chemin, il a rencontrĂ© deux filles qui se promenaient avec trois chiens, qui jouaient avec deux chats, qui avaient Ă  leur tour deux tuteurs. Combien d'ĂȘtres vivants au total sont allĂ©s avec Jules Ă  la boulangerie ?Si un papillon vit cinq jours et que chaque jour il vole quatre mĂštres, combien de mĂštres aura-t-il parcourus en une semaine ?De quelle couleur est la boĂźte noire dans les avions ?OĂč sont fabriquĂ©s les chapeaux de Panama ?Quelle est la valeur de la moitiĂ© de la moitiĂ© du numĂ©ro 16 ?RĂ©ponses des questions de logique styloEn novembreAnaDix car ce sont les mĂȘmes arbresQuatre chatsIl y est allĂ© tout seulVingt ÉquateurQuatreDĂ©couvrez Questions de culture gĂ©nĂ©rale avec rĂ©ponses Question de logique avec rĂ©ponse - top 7 La logique est la capacitĂ© d'Ă©tablir des connexions quand, Ă  premiĂšre vue, il n'en existe pas, il s'agit Ă©galement de la capacitĂ© Ă  penser au-delĂ  de ce que tout le monde pourrait penser. Il existe des tests de raisonnement logique qui permettent d'Ă©valuer la capacitĂ© de raisonnement logique d'une ne s'agit pas d'Ă©valuer l'intelligence, mais la capacitĂ© d'analyser des problĂšmes et de chercher des stratĂ©gies. Ce type de tests peuvent apparaĂźtre lors de processus de quelques questions de logique Vous n'avez qu'une boĂźte d'allumettes avec un cure-dent et vous entrez dans un chĂąteau sombre. Il n'y a pas d'Ă©lectricitĂ©, mais vous avez une bougie, une lampe Ă  gaz et une lampe Ă  kĂ©rosĂšne. Qu'allumez-vous en premier ?Combien d'animaux de chaque espĂšce MoĂŻse a-t-il mis dans son arche 1, 2 ou 3 ?Combien de mois ont 28 jours sur une pĂ©riode de 6 ans ?Vous vous ĂȘtes levĂ© Ă  8 heures pour aller travailler ; vous vous ĂȘtes endormi Ă  7 h. Combien d'heures avez-vous dormi ?Vous conduisez un bus avec 43 passagers Ă  bord qui est parti de Paris. Il s'est arrĂȘtĂ© Ă  Lyon pour prendre 7 personnes et laisser 5 passagers, puis Ă  Marseille pour laisser 8 passagers et en prendre 4 autres, pour enfin arriver Ă  Colliure 20 heures plus tard. Quel est le nom du conducteur ?Le 14 juillet on cĂ©lĂšbre la fĂȘte nationale de la rĂ©publique française. Au Canada, il y a aussi le 14 juillet ?Combien de numĂ©ros neuf y a-t-il de 0 Ă  100 ?RĂ©ponsesLa bougie, parce qu'elle allume toutes les autres..ZĂ©ro, car selon la Bible, c'est NoĂ© qui a construit l'arche, et non parce que tous les mois ont au moins 28 heureVotre nom car c'est vous le car le 14 juillet existe dans tous les pays qui adoptent le mĂȘme calendrier que le nĂŽtre calendrier grĂ©gorien. vous aimez le Trivial Pursuit, c'est par ici Trivial Pursuit 150 idĂ©es de questions Si vous souhaitez lire plus d'articles semblables Ă  32 questions de logique avec rĂ©ponses, nous vous recommandons de consulter la catĂ©gorie ActivitĂ©s de loisir. Écrire un commentaire momo la gachette facile 08/05/2021 c dla merde 32 questions de logique avec rĂ©ponses 32 questions de logique avec rĂ©ponses toutCOMMENT Loisirs ActivitĂ©s de loisir Autres activitĂ©s rĂ©crĂ©atives ActivitĂ© Ă  faire en couple 32 questions de logique avec rĂ©ponses Retour en haut Introduction 1Le 16 mars 2020, un confinement national est dĂ©crĂ©tĂ© en France pour lutter contre la propagation de l’épidĂ©mie de Covid-19. En avril 2020, on recense environ 4 milliards d’ĂȘtres humains en situation de confinement dans le monde. La nature soudaine, l’ampleur, et la durĂ©e incertaine de ce premier grand confinement » en font un fait social inĂ©dit, qui interpelle les sciences sociales Mariot, MercklĂ©, Perdoncin, 2021. 2Le confinement est une mesure spatiale restriction des mobilitĂ©s, sociale limitation des contacts, mais aussi, ce qui nous intĂ©resse plus spĂ©cifiquement ici, temporelle. Si l’incertitude est probablement ce qui lie le plus les destins et les perceptions individuelles du temps pendant la crise du Covid-19, et en particulier pendant ce premier confinement, les temporalitĂ©s confinĂ©es ne s’y limitent pas. Les sociĂ©tĂ©s contemporaines font dĂ©jĂ  l’objet de qualifications temporelles schĂ©matiques. Le rapport au temps devient une prĂ©occupation sociale et scientifique majeure, souvent formulĂ©e sous le registre de l’urgence » Aubert, [2003] 2009 ; Bouton, 2013, de l’accĂ©lĂ©ration » Rosa, 2010, ou du prĂ©sentisme » Hartog, 2003 2020. Pour ne pas rĂ©duire le temps Ă  l’une de ses modalitĂ©s, et ne pas voir le confinement uniquement comme une parenthĂšse rompant avec ces registres, un seul recours l’enquĂȘte, qui permet l’identification empirique des temps vĂ©cus. 1 Coconel Coronavirus et confinement enquĂȘte longitudinale », ... 2 La vie en confinement, ?fbclid =IwAR1I2IqqOoYAFFu-S4T-P ... 3 Sciences-Po, OSC et CDSP, 4 Ined, 3À partir d’une enquĂȘte qualitative, cet article propose d’interroger les rapports au temps pendant le premier grand confinement français. Nous proposons une sociologie de l’expĂ©rience temporelle, non au sein d’institutions particuliĂšres et en temps ordinaire Cunha, 1997 ; Henriksen, Refsgaard, 2021, mais Ă  domicile, et pour des raisons sanitaires. Cette Ă©tude est ainsi complĂ©mentaire des enquĂȘtes plus gĂ©nĂ©rales, souvent quantitatives, initiĂ©es pour analyser la perception et les effets du confinement Coconel 20201 ; La vie en confinement2 ; Faire face au Covid-19. Distanciation sociale, cohĂ©sion et inĂ©galitĂ©s dans la France de 20203 ; EnquĂȘte Covid-194. D’un point de vue analytique, notre approche s’inscrit au croisement d’une sociologie de l’expĂ©rience temporelle » des acteurs sociaux Lauer, 1981 ; Fine, 1990 ; Flaherty, 1991, 2003, 2011, d’une sociologie consacrĂ©e aux formes d’ imprĂ©visibilitĂ©s », Ă©vĂšnements » et bifurcations » Bidart, 2006 ; Grossetti, 2006 ; Bessin, Bidart, Grossetti, 2010, et d’une philosophie consacrĂ©e aux brĂšches temporelles » Arendt, [1961] 2000 et Ă  l’accĂ©lĂ©ration » du monde contemporain Rosa, 2010. PrĂ©sentation de l’enquĂȘte L’enquĂȘte sur laquelle s’appuie cet article a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en France au cours des mois de mars, avril et mai 2020. CoordonnĂ©e par un enseignant, elle a Ă©tĂ© menĂ©e par un groupe de 10 Ă©tudiantes et Ă©tudiants de master 2 de sociologie Ă  Sorbonne UniversitĂ© auprĂšs de 57 personnes voir annexe I de milieux socio-Ă©conomiques, d’ñges et de sexes diffĂ©rents, et dont les conditions de confinement varient localisation gĂ©ographique, taille du logement, confinement seul ou en famille, en tĂ©lĂ©travail ou au chĂŽmage technique, etc.. Chaque participant devait remplir un carnet journalier, inspirĂ© de l’enquĂȘte Emploi du temps de l’Insee, renseignant heure par heure entre 8 heures et minuit ses activitĂ©s durant deux jours. Ce carnet Ă©tait accompagnĂ© d’un court questionnaire permettant de rĂ©colter quelques donnĂ©es sociodĂ©mographiques et des informations sur les conditions de confinement. Un entretien semi-directif Ă©tait ensuite menĂ© par tĂ©lĂ©phone, avec les carnets journaliers prĂ©alablement remplis comme supports. À partir de ce matĂ©riau, l’article a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par l’enseignant coordinateur et trois Ă©tudiantes, dĂ©sormais doctorantes, ayant pris part Ă  l’enquĂȘte. 4Comment analyser l’expĂ©rience temporelle du confinement autrement que sous l’angle d’une grande dĂ©cĂ©lĂ©ration ou d’un grand ralentissement gĂ©nĂ©ral », souvent perçus en termes d’aspirations Bigot, Chateau, Sandra, 2020 plutĂŽt que de rapports effectifs aux temps ? Nous proposons de rĂ©pondre Ă  cette question Ă  l’aide du concept de brĂšche temporelle », en montrant comment cette pĂ©riode, ouverte par un Ă©vĂšnement collectif singulier et imprĂ©visible, a pu ĂȘtre diversement vĂ©cue sous le mode d’une rupture dĂ©stabilisante ou d’une parenthĂšse stimulante, avec une polarisation des rapports aux temps Ă  la fois rĂ©vĂ©lĂ©e et amplifiĂ©e par la crise. Nous explicitons d’abord le poids des conditions de vie et des inĂ©galitĂ©s spatio-temporelles sur la façon dont la brĂšche temporelle, que nous aurons dĂ©finie au prĂ©alable, est vĂ©cue I. Nous montrons ensuite comment la brĂšche du premier confinement a suscitĂ© diffĂ©rentes modalitĂ©s de temps suspendu et de dĂ©cĂ©lĂ©rations, plus ou moins bienheureuses Rosa, 2010, 2020 II. Nous identifions par contraste des rapports aux temps vĂ©cus sous le mode d’accĂ©lĂ©rations paradoxales III. Nous exposons enfin comment la brĂšche temporelle suscite des narrations mĂȘlant situations passĂ©es et futures et non strictement enfermĂ©es dans le prĂ©sent IV. 5Le concept de brĂšche a Ă©tĂ© originellement proposĂ© par Hannah Arendt, en rĂ©action aux totalitarismes et Ă  la menace nuclĂ©aire, pour dĂ©signer les moments de crise » du xxe siĂšcle, crise de l’humanitĂ© et crise du temps lui-mĂȘme. MalgrĂ© la rĂ©currence de ses usages Le Boulanger, 2003 ; Tassin, 2010 ; Revault d’Allonnes, 2011 ; HortonĂ©da, 2013 ; Hartog, 2020, il est rarement mobilisĂ© de maniĂšre dĂ©diĂ©e et articulĂ© Ă  des donnĂ©es empiriques, et jamais Ă  notre connaissance dans une enquĂȘte sociologique. Nous procĂ©dons ici Ă  un travail d’opĂ©rationnalisation en proposant d’en faire un concept de moyenne portĂ©e » Merton, 1997 pertinent pour penser la crise Covid et le premier confinement en particulier. 5 Nous employons cette expression Ă  la suite de travaux cherchant Ă  rendre compte de la polyphonie du ... 6Ce transfert d’un concept philosophique vers la sociologie correspond notamment Ă  un changement d’échelle chez Arendt et ses commentateurs, la notion de brĂšche est utilisĂ©e de maniĂšre macroscopique et trans-historique. Dans cet article, nous la mobilisons pour penser les vies sociales microscopiques, en rĂ©sonance avec un Ă©vĂšnement macro-social et historique extraordinaire l’irruption d’une pandĂ©mie mondiale. Nous dĂ©finissons la brĂšche comme une rupture dans le cours ordinaire des vies collectives et individuelles, se caractĂ©risant par un haut niveau d’incertitude, entraĂźnant une forte polarisation des temps vĂ©cus et suscitant une production de narrations temporelles. Au cours d’une brĂšche temporelle, s’exprime de maniĂšre particuliĂšre la polyphonie sociale du temps »5. Le temps se dit et se vit en plusieurs sens, mais la polyphonie sociale n’implique pas une Ă©galitĂ© des positions et des voix. Elle repose plutĂŽt sur un ensemble d’inĂ©galitĂ©s sociales face au temps dĂ©jĂ  bien documentĂ©es par la sociologie, notamment pour ce qui est du rapport Ă  l’avenir Bourdieu, 1963 ; Roux, 2009 ; Masy, 2013, que la situation de confinement rĂ©vĂšle et accentue. BrĂšche, ou comment sociologiser une notion philosophique ? 7Chez Arendt, la brĂšche est un temps privĂ© de tradition, oĂč domine l’incertitude, et oĂč coexistent le dĂ©sarroi face aux schĂ©mas anciens et la possibilitĂ© de commencer quelque chose de nouveau. C’est un moment de crise, qui rĂ©vĂšle et renforce certaines fragilitĂ©s, avant d’ouvrir vers des basculements », des mondes possibles, Ă©mergents et dĂ©sirables » Baschet, 2021. Cette incertitude et ce dĂ©sarroi apparaissent bien dans notre enquĂȘte, mais assez peu la question des basculements effectifs, le premier confinement se situant en amont de ces rĂ©flexions. 8La crise Covid », dont il Ă©tait difficile de prĂ©voir le moment, la forme et le dĂ©roulement prĂ©cis, et dont les effets de long terme sont eux-mĂȘmes peu prĂ©visibles, est Ă  ce titre une crise au sens sociologique du terme, telle que conceptualisĂ©e par Michel Grossetti 2006 dans sa typologie des formes de prĂ©visibilitĂ© des situations sociales. La crise se dĂ©finit comme un moment de contagion entre sphĂšres de vie, proposition valable pendant la crise Covid, lors de laquelle les sphĂšres privĂ©es et publiques, les activitĂ©s familiales et professionnelles, les conditions sanitaires, psychologiques et sociales, ont Ă©tĂ© soumises Ă  des dynamiques communes. Pourquoi mobiliser en plus de celle de crise, la notion de brĂšche temporelle » issue de la philosophie d’Hannah Arendt ? La notion de crise dĂ©signe avant tout une forme d’imprĂ©visibilitĂ© du moment et des effets et un mĂ©canisme de contagion des effets entre eux. La notion de brĂšche fait davantage rĂ©fĂ©rence Ă  l’idĂ©e d’une rupture faisant surgir un prĂ©sent qui dure, avec suspension des scripts prĂ©dĂ©finis et redĂ©finition des relations entre ce prĂ©sent qui dure et les passĂ©s et les futurs avec lesquels il est reliĂ©. Le prĂ©sent suscite des questionnements, des Ă©motions et des narrations qui alimentent et font durer cette rupture, en lui donnant une Ă©paisseur sociopsychologique que la notion de crise ne permet pas de restituer. Si la crise ne porte pas en soi de message ni de sens, la brĂšche laisse surgir du sens, et chez Arendt, cela se manifeste par l’évĂšnement de pensĂ©e, qui vient se loger dans cet interstice temporel l’évĂ©nement de penser, Ă©vĂ©nement situĂ© dans la brĂšche du temps, paysage ou rĂ©gion de la pensĂ©e hors-temps au cƓur du temps » Vergauwen, 2000, p. 179. 9Si la sociologie s’est dotĂ©e de concepts pour penser les ruptures et les Ă©vĂšnements imprĂ©visibles, notamment avec celui de bifurcation » Bidart, 2006 ; Grossetti, 2006 ; Bessin, Bidart, Grossetti, 2010, la notion de brĂšche nous semble plus adaptĂ©e pour penser les rĂ©sultats de notre enquĂȘte pour deux raisons D’abord, la brĂšche intervient avant la bifurcation possible, et elle est principalement vĂ©cue comme une incertitude. Elle est constatĂ©e au prĂ©sent, et ouvre vers un basculement possible. Autrement dit, elle est un moment du prĂ©sent qui se dĂ©roule, et peut Ă©ventuellement durer et devenir bifurcation. Ensuite, la brĂšche est un concept que l’on pourrait qualifier de dramaturgique et Ă©motionnel l’idĂ©e d’une fin potentielle, d’une crise forte, d’une bĂ©ance qui s’ouvre et qui peut annoncer le pire, la distingue de l’idĂ©e plus neutre Ă©motionnellement de la bifurcation. Cette dimension Ă©motionnelle apparaĂźt bien dans notre enquĂȘte et permet de mieux rendre compte de l’inquiĂ©tude collective constatĂ©e. 10Pour ĂȘtre opĂ©rationnalisĂ©e, la notion de brĂšche doit aussi ĂȘtre prĂ©cisĂ©e sur un point la nature non homogĂšne des modalitĂ©s de temps vĂ©cu. Chez Arendt, la brĂšche est de nature collective, et adoptĂ©e dans une perspective universaliste, elle ne dit rien des inĂ©galitĂ©s de vie et de perceptions. Or la brĂšche est une brisure, qui ouvre le temps », en incitant Ă  l’imagination des possibles, tout en la rendant particuliĂšrement pesante pour certaines et certains. Les personnes interviewĂ©es ont toutes le sentiment de vivre un Ă©vĂšnement collectif fort et singulier, une pandĂ©mie qui interroge leur commune humanitĂ©, mais elles ont aussi une conscience nette de ne pas les vivre de maniĂšre uniforme. Le premier grand confinement constitue un laboratoire d’observation des inĂ©galitĂ©s et de leurs perceptions. L’incertitude qui caractĂ©rise la situation et la charge temporelle de l’articulation des temps de vie dĂ©stabilisent inĂ©galement les individus selon leur situation professionnelle et familiale. La sociologie peut ainsi montrer que la brĂšche, tout en Ă©tant rupture et incertitude, peut ĂȘtre un facteur de polarisation sociale Ă  l’échelle des groupes sociaux. 6 UtilisĂ©e en psychologie sociale, la notion de polarisation dĂ©signe l’expression d’opinions extrĂȘmes ... 11Dans ses diffĂ©rents usages6, la polarisation est un processus d’augmentation des Ă©carts entre individus et/ou groupes. Dans notre cas, la polarisation est un Ă©loignement entre les diffĂ©rentes façons de vivre le temps, le premier confinement ayant pu susciter des attitudes temporelles trĂšs diffĂ©rentes chez les personnes interrogĂ©es. Nous retrouvons et prĂ©cisons ici les rĂ©sultats programmatiques identifiĂ©s par les premiĂšres grandes enquĂȘtes quantitatives consacrĂ©es aux rapports aux temps pendant le confinement, qui avaient pu Ă©tayer l’idĂ©e d’une augmentation des inĂ©galitĂ©s dans les rapports aux temps pendant cette pĂ©riode Paye, 2021. La situation est marquĂ©e par une polarisation fondamentale des rapports aux temps selon la nature de l’espace occupĂ© et les conditions de vie. Notons que d’autres enquĂȘtes ont pu relever le poids des inĂ©galitĂ©s de genre dans les expĂ©riences de confinement Charlap, Grossetti, 2021, la rĂ©partition des tĂąches domestiques et parentales, et la pression temporelle exercĂ©e sur les femmes et les hommes, mais rien de vraiment significatif en la matiĂšre n’est ressorti de notre matĂ©riau. L’espace, facteur de polarisation temporelle 12De façon peu surprenante mais significative, les vĂ©cus du confinement dĂ©pendent des conditions de logement Grossetti, Launay, 2021. Les perceptions des personnes interrogĂ©es varient fortement selon la taille du logement et la prĂ©sence d’un espace extĂ©rieur. Disposer d’un espace plus grand permet un temps ouvert », avec des espaces mieux diffĂ©renciĂ©s selon leurs usages. 13Dans un espace exigu, la diffĂ©renciation de l’espace comme du temps demande plus d’efforts d’organisation, comme l’exprime Catherine 51 ans, confinĂ©e en appartement Tout est fondu dans un espace, parce qu’il n’y a plus de limites entre l’espace privĂ© et l’espace professionnel. » Disposer d’un espace extĂ©rieur fait toute la diffĂ©rence, comme en tĂ©moigne JĂ©rĂŽme, 50 ans, gardien d’immeuble La cour intĂ©rieure, ça me permet de profiter et d’apprĂ©cier [
] je vois de la vie. » Avoir un jardin, une terrasse ou un balcon, c’est le luxe de pouvoir respirer » Pierre-Louis, 26 ans, professeur de français. 14De surcroĂźt, l’éloignement des grandes mĂ©tropoles apparaĂźt comme un abri protecteur des effets indĂ©sirables du confinement. Le temps y est rythmĂ© par des activitĂ©s extĂ©rieures. Nul besoin de rĂ©flĂ©chir sur le temps qui passe ou qui ne passe pas » y’a du terrain pour se balader, tu peux bronzer, tu peux bricoler autour de la maison sans gĂȘner personne », ajoute Manuel 22 ans, chauffeur livreur. D’aprĂšs Julie 21 ans, Ă©tudiante, c’est aussi parce que le mode de vie y est structurĂ© diffĂ©remment. Chez elle, Ă  la campagne », elle a appris trĂšs tĂŽt Ă  explorer sa propre bulle ». Certains lieux, plus en retrait de la vie sociale urbaine, favorisent des sentiments de dĂ©connexion avec le reste du monde tel qu’il est perçu mĂ©diatiquement. Être moins exposĂ© au virus peut crĂ©er le sentiment d’ĂȘtre en dĂ©calage temporel, voire de ne pas ĂȘtre confinĂ©. 15À ce titre, la majeure partie des enquĂȘtĂ©s se sent privilĂ©giĂ©e » par rapport Ă  d’autres en termes d’espace. La situation gĂ©nĂ©rale est jugĂ©e inĂ©galitaire, et les situations personnelles estimĂ©es meilleures que la situation collective. Les enquĂȘtĂ©s formulent souvent ces remarques comparatistes Le confinement n’est pas vĂ©cu de la mĂȘme maniĂšre selon l’ñge, les revenus, l’habitation, l’endroit gĂ©ographique
 Il y a une diversitĂ© de sensations, de vĂ©cus du confinement. Jean-Pierre, 78 ans, retraitĂ© 16Nous retrouvons ici un rĂ©sultat fondamental mais encore peu Ă©tayĂ© empiriquement en sociologie Demetry, 2013, selon lequel les rapports Ă  l’espace et au temps sont solidaires et ne devraient pas donner lieu Ă  des analyses systĂ©matiquement segmentĂ©es. La brĂšche issue du confinement rĂ©vĂšle une polarisation temporelle importante en fonction de paramĂštres spatiaux. Cependant, cela n’épuise pas les modalitĂ©s d’expĂ©rience du temps et les formes de polarisation sociale que cette pĂ©riode a pu susciter, et sur lesquelles nous allons revenir Ă  prĂ©sent. BrĂšche et diversitĂ© des expĂ©riences de dĂ©cĂ©lĂ©rations » 7 Ce constat va dans le sens de celui Ă©tabli par Lise Bourdeau-Lepage qui a diffusĂ© un questionnaire ... 17Le confinement et la crise sanitaire ont pu ĂȘtre perçus comme une rupture dans le cours effrĂ©nĂ© de nos vies Rosa, 2020. Alors qu’ils n’ont plus de temps Ă  passer dans les transports, que leur charge de travail est moindre, que certaines activitĂ©s sociales et de loisirs ne peuvent plus avoir lieu, certains enquĂȘtĂ©s voient le rythme de leur vie ralentir7. De plus, le confinement met Ă  distance les institutions qui imposent des horaires et des cadences l’école, l’universitĂ©, l’entreprise, l’usine, etc. Les contraintes temporelles qui pĂšsent sur les individus se relĂąchent. ArrĂȘtons-nous ici sur celles et ceux pour qui le confinement a mis un terme Ă  la course aprĂšs le temps ». Enfin du temps une oasis » temporelle 18La brĂšche temporelle introduite par le confinement est apprĂ©ciĂ©e par certains. Le confinement leur offre une pause », une bulle de repos » Fanny, 26 ans, assistante de galerie. Avec l’arrĂȘt de la course aprĂšs le temps », ce sont les sentiments de stress et d’urgence qui disparaissent, comme l’exprime Madeleine La sensation que j’ai, en gĂ©nĂ©ral, c’est d’ĂȘtre toujours en train de courir aprĂšs le temps. Je me sens toujours en retard, j’ai toujours l’impression de ne pas avoir fait ce qu’il faut. 
 Eh ben, ce stress, il est ĂŽtĂ©, tout d’un coup. 61 ans, comĂ©dienne et metteuse en scĂšne 19Les manifestations physiques d’un rythme de vie soutenu s’estompent elles aussi. Par exemple, le confinement est l’occasion pour Lily, alors au chĂŽmage partiel, de se remettre de la fatigue physique liĂ©e Ă  son activitĂ© professionnelle intense. Elle travaille quarante-deux heures par semaine comme vendeuse et serveuse dans une boulangerie et passe deux heures par jour dans les transports. Comme pour certains travailleurs saisonniers, pour qui le temps de chĂŽmage s’apparente Ă  un temps de cure » Baghioni, 2019, le confinement est pour elle un moyen de s’extraire du rythme effrĂ©nĂ© de sa vie quotidienne. Je prends le temps de prendre un petit bain. Je me fais des soins aux cheveux, des soins au visage, je me mets de la crĂšme hydratante sur le corps alors que d’habitude, je le fais tous les
 600 ans. Lily 20Comme elle, de nombreux enquĂȘtĂ©s profitent d’ailleurs de ce temps pour prendre soin » d’eux sport, soins du corps. Beaucoup trouvent le temps de faire des activitĂ©s considĂ©rĂ©es comme importantes qui passaient auparavant aprĂšs des activitĂ©s considĂ©rĂ©es comme plus futiles mais rendues prioritaires par les Ă©chĂ©ances auxquelles elles Ă©taient attachĂ©es la thĂšse plutĂŽt que les cours Ă  donner Christian, l’écriture et le montage plutĂŽt que la recherche de salles Madeleine, la rĂ©orientation plutĂŽt que le travail Lily, Marion, la recherche d’informations Lily, Jade, la lecture Catherine, Nathalie, la cuisine Clara, Élisa, Lily, etc. Cette tendance est partagĂ©e par toutes les catĂ©gories sociales. L’enquĂȘte de l’Insee confirme qu’avec le confinement, la part des personnes s’adonnant Ă  des pratiques amateures activitĂ©s artistiques, scientifiques et techniques a sensiblement augmentĂ© et les Ă©carts sociaux dans ce domaine se sont rĂ©duits Barhoumi, Jonchery, Lombardo et al., 2020. 21Il y a aussi, la satisfaction de faire bien » plutĂŽt que faire vite » Je me suis dit Comme ça, je vais avoir enfin le temps pour pouvoir faire les choses correctement et approfondies. » Violaine 22Plusieurs enquĂȘtĂ©s disent gagner en attention », que celle-ci soit dirigĂ©e vers des tĂąches qui comptent pour eux, ou vers leur entourage. Nombreux soulignent ainsi la façon dont le confinement a remis en question une conception utilitariste du temps, prĂ©gnante jusqu’alors dans leur vie Citton, 2014. 23Enfin, certains se rĂ©jouissent de pouvoir aller Ă  leur propre rythme Psychologiquement, je me dis que j’ai le temps. 
 Je fais les choses bien plus au ralenti. C’est moins la course, et c’est vraiment Ă  mon rythme Jade, 24 ans, Ă©tudiante. 24Cyril, ouvrier divorcĂ©, confinĂ© avec ses deux filles, explique quant Ă  lui, qu’à la diffĂ©rence de sa vie hors confinement, il n’est pas pressĂ© par la montre ». Comme il n’y a pas Ă©cole le lendemain, peu importe s’il fait manger ou s’il couche les filles » un peu plus tard que d’habitude. Il n’a pas la montre derriĂšre lui » comme Ă  l’usine oĂč il [a] le chef qui [le] bouge ». Alors qu’à l’usine, ce n’est pas lui qui fixe le tempo », le confinement lui permet de crĂ©er une niche temporelle », c’est-Ă -dire d’accomplir ses tĂąches domestiques et son travail Ă  une vitesse qui lui convient mieux Fine, 1990. Ces enquĂȘtĂ©s font l’expĂ©rience d’un rapport au temps moins problĂ©matique. Pour eux, le confinement crĂ©e bien une oasis de dĂ©cĂ©lĂ©ration » Rosa, 2010. Trop » de temps ? StratĂ©gies temporelles face au risque de temps vide 25 Sentir le temps passer » n’est pas toujours synonyme de bien-ĂȘtre. Pour d’autres enquĂȘtĂ©s, sans rythme partagĂ© ou imposĂ©, sans cadres temporels Durkheim, [1912] 2013, Elias, [1986] 1996, le temps est un dĂ©sert », pour reprendre une autre notion issue de la philosophie d’Arendt une situation oĂč les expĂ©riences de monde commun et de libertĂ© individuelle sont empĂȘchĂ©es, niĂ©es ou suspendues. 26C’est le cas pour Paulette, dont les activitĂ©s de loisirs qui composent habituellement sa semaine de retraitĂ©e ont Ă©tĂ© suspendues Le temps se dilue, on a tellement de temps que ce n’est mĂȘme plus du temps. On est dans un autre espace, on flotte dans le vide. 27Les journĂ©es en viennent parfois Ă  se ressembler, Ă  tel point que certains de nos enquĂȘtĂ©s ne distinguent plus les jours de la semaine de ceux du week-end. Les fonctions sociales traditionnelles du temps, celles d’orientation, de coordination et de rĂ©gulation Elias, [1986] 1996 perdent de leur pertinence et de leur emprise. 28Un tel Ă©tat de flottement Ă©tant redoutĂ©, des stratĂ©gies temporelles Flaherty, 2003 sont mises en Ɠuvre pour organiser les journĂ©es Je pense que ça me fait peur de laisser le temps passer et d’ĂȘtre confinĂ©e sans qu’il soit structurĂ©. 
 C’est pour ça que j’ai vraiment ce besoin de faire des choses, d’avancer, de structurer. Anne, 61 ans, retraitĂ©e 29Durant le confinement, les activitĂ©s professionnelles ou de loisirs ne peuvent plus servir Ă  signaler de maniĂšre routiniĂšre le moment oĂč commenc[ent] et oĂč se termin[ent] [la journĂ©e] et le travail » Rosa, 2010, p. 158. Les individus organisent alors leurs journĂ©es autour d’une mĂȘme routine J’ai assez rapidement mis en place une routine comme dans la vie hors confinement. Les journĂ©es se ressemblent le matin je fais du sport, de la lecture et de l’ordinateur, l’aprĂšs-midi est consacrĂ©e au travail pour les Ă©lĂšves et se termine par une sĂ©ance de sport avec mon frĂšre. Le soir, je dĂźne, puis c’est un moment de dĂ©tente. Pierre-Louis, 26 ans, professeur de français 30Certains outils temporels sont utilisĂ©s pour structurer le temps, comme des calendriers, des rĂ©veils, des plannings ou des listes de tĂąches. La fonction auto-disciplinante Elias, [1986] 1996 de ces outils transparaĂźt dans les propos de Camille elle utilise une to-do list pour avancer dans les travaux qu’elle a entrepris pendant le confinement afin de ne pas avoir Ă  les faire cet Ă©tĂ©, et ainsi mettre Ă  contribution ce temps ». 31Un autre danger » guette ceux qui sentent le temps passer » l’ennui. Les enquĂȘtĂ©s trouvent le temps d’autant plus long qu’ils ne peuvent faire ce qu’ils veulent de ce supplĂ©ment de temps libre apportĂ© par le confinement sortir, voyager, aller voir des proches ou des amis. Pour contrecarrer l’ennui, ils cherchent alors Ă  s’occuper comme [ils] peu[vent] », par des moyens de communication Ă  distance, des consommations audiovisuelles ou des activitĂ©s manuelles. Pour Arthur, lycĂ©en de 18 ans, qui trouve le temps long sans la compagnie de ses amis de l’internat, Netflix et les appels en visio apparaissent comme des remĂšdes » pour passer le temps ». Les sĂ©ries et le tĂ©lĂ©phone servent Ă  chasser les idĂ©es noires qui assaillent Lily au rĂ©veil. 32L’affaiblissement des cadres temporels affecte diffĂ©remment les individus selon leurs caractĂ©ristiques sociales, leur situation familiale et leurs conditions de confinement. Par exemple, l’arrĂȘt du travail, associĂ© Ă  une dĂ©structuration du temps, a touchĂ© diffĂ©remment les individus selon leur catĂ©gorie socioprofessionnelle. Cela rejoint les rĂ©sultats de l’enquĂȘte Coconel 2020, selon laquelle 53 % des employĂ©s et 49 % des ouvriers ont vu leur activitĂ© professionnelle s’arrĂȘter contre 28 % des Français en moyenne. Or ceux qui, dans l’enquĂȘte, se retrouvent sans travail, comme ceux qui se retrouvent sans famille, ainsi que les plus jeunes et les plus ĂągĂ©s, privĂ©s des activitĂ©s sociales qui les occupaient avant le confinement, sont les plus enclins Ă  trouver le temps Ă©tendu et comme suspendu. À l’inverse, ceux qui conservent leur travail pendant le confinement vivent mieux le temps et s’estiment, Ă  ce titre, privilĂ©giĂ©s. Un temps suspendu 33Pour certains, le temps semble non seulement ralentir mais aussi s’arrĂȘter. Les personnes ĂągĂ©es comme Paulette ou Liliane y sont d’autant plus sensibles que leur temps est perçu comme comptĂ© Le temps s’arrĂȘte et moi j’ai l’impression d’ĂȘtre dans une espĂšce d’antichambre, l’antichambre de la fin. Paulette, 76 ans Personnellement, ça m’a rendue plus sensible au fait que je vais avoir 80 ans et que je rentre dans une pĂ©riode qui peut s’appeler fin de vie. Liliane, 78 ans 34Les personnes seules font, elles aussi, frĂ©quemment part de cette impression d’un temps arrĂȘtĂ©. Certains jeunes qui cumulent solitude et conditions matĂ©rielles d’existence et de logement prĂ©caires Lambert, Cayouette-RembliĂšre, MĂ©da, 2021 vivent ainsi un double enfermement – spatial et temporel. Mamad 27 ans, Ă©tudiant, seul dans son studio se sent coincĂ© » et redoute de finir par discuter avec les murs ». Lucie 21 ans, responsable de secteur mĂ©dico-social, privĂ©e de tout contact physique, et qui ne trouve plus la force d’entretenir des relations numĂ©riques » avec les autres, ne voit plus l’horizon ». 35Parce que la vie pendant le confinement est un temps sans les autres, le temps paraĂźt suspendu » Paulette. Marion, Ă©tudiante de 22 ans, qui vient de rencontrer une fille », regrette par exemple de ne pouvoir poursuivre l’histoire d’amour entamĂ©e avec elle avant le confinement. Cyril, qui aimerait refonder une vie de couple aprĂšs son divorce, attend la fin du confinement pour aller chercher de la gonzelle ». Certains font part de leur sentiment d’ĂȘtre dans l’attente J’ai l’impression d’attendre mais je sais pas quoi » RaphaĂ«l, 26 ans, artiste. Le vĂ©cu du temps en confinement prĂ©sente ainsi des similitudes avec le vĂ©cu du temps des prisonniers et de leurs familles Cunha, 1997 ; Touraut, 2012. BrĂšche et accĂ©lĂ©rations paradoxales 36Le confinement vĂ©cu sous la forme d’une dĂ©cĂ©lĂ©ration ne concerne pas tous les enquĂȘtĂ©s. Pour beaucoup, l’intensification du travail et l’organisation de la vie de famille accĂ©lĂšrent le tempo. Les modifications du travail induites par le confinement s’accompagnent parfois d’une augmentation de la charge de travail. La prĂ©sence de jeunes enfants, dont il faut s’occuper et qu’il faut occuper, diminue le temps libre. Des paramĂštres prennent ainsi plus de poids en confinement qu’en temps normal, comme ceux de la dimension spatiale et de la configuration familiale. L’articulation travail/famille implique une gestion difficile du temps. Elle se traduit par un sentiment de manquer de temps et pose des questions d’organisation, de dĂ©limitation des frontiĂšres entre temps public et temps privĂ©, de gestion de la disponibilitĂ© et de l’accessibilitĂ© personnelles Zerubavel, 1979. SurcroĂźt de travail et course contre la montre » 37Les modifications du travail induites par le confinement ont pu se traduire par une surcharge temporelle » Fine, 1990. Manuel, chauffeur livreur, qui travaille davantage pendant le confinement, vit une forme d’accĂ©lĂ©ration temporelle Mes journĂ©es passent vite car je me lĂšve hyper tĂŽt et du moment que t’as la nuit tu vois pas le temps passer. [
] DerniĂšrement, j’ai bossĂ© un peu plus du fait du confinement. 38Pour ceux qui sont restĂ©s confinĂ©s, le passage au tĂ©lĂ©travail s’accompagne parfois d’un surcroĂźt de travail. L’impression qui domine est alors celle de vivre une course contre la montre » Nathalie qui contraste avec le sentiment de dĂ©cĂ©lĂ©ration Ă©prouvĂ© par d’autres. C’est le cas chez les enseignants que nous avons interrogĂ©s, qui ont dĂ» s’assurer que les Ă©lĂšves avaient le matĂ©riel nĂ©cessaire pour travailler Ă  distance et revoir leur mode de prĂ©paration des cours. Pour Nathalie, professeure d’espagnol et professeure principale au collĂšge, c’était non-stop » Ça a Ă©tĂ© vraiment, on va dire les quinze premiers jours, hyper stressant, en fait. Moi, j’ai l’impression de pas avoir un moment, d’ĂȘtre toujours dans vite, vite, il faut que je fasse ça ! » 8 La pression temporelle peut ĂȘtre dĂ©finie comme un ressenti qui rĂ©sulte d’un rapport dĂ©favorable ent ... 39Cette situation est trĂšs Ă©loignĂ©e de l’image de l’oasis de dĂ©cĂ©lĂ©ration temporelle le temps retrouvĂ©, non » Nathalie. La pression temporelle8 s’est aussi accrue pour certains Ă©tudiants comme Élisa, qui s’est trĂšs vite sentie dĂ©bordĂ©e » ou Nicolas Je pensais que le confinement aurait reprĂ©sentĂ© une occasion pour faire des choses que je n’ai jamais l’occasion de faire, ou de les faire en tranquillitĂ©, mais malheureusement, avec tout ce travail et les cours Ă  distance, ce n’est pas le cas. 40Les conditions dans lesquelles se dĂ©roule l’entretien avec Élisa illustrent d’ailleurs son sentiment de manquer de temps J’ai prĂ©vu de faire la cuisine en mĂȘme temps, c’est juste pour optimiser mon temps, parce qu’en mĂȘme temps, je suis en rĂ©vision. 41Ces personnes peuvent certes fixer plus librement leurs horaires de travail qu’avant le confinement. Mais, avec les nouveaux moyens de communication, les institutions qui rythment nos vies, comme le travail ou l’école, continuent de contraindre l’usage de leur temps. Le travail Ă  distance rend Ă©galement plus frĂ©quente la polyactivitĂ© simultanĂ©e. 42Les temps de travail, de loisirs et de repos ne sont plus sĂ©parĂ©s comme ils pouvaient l’ĂȘtre auparavant par des changements de lieux. Le travail prend toute la place et colonise les autres temps sociaux. D’autant plus que certaines Ă©chappatoires au travail ne sont plus possibles et que les activitĂ©s de loisirs collectives, qui se tenaient Ă  horaires fixes dans la semaine, ne peuvent plus avoir lieu. Sans les dĂ©placements qui lui permettaient de couper avec le travail, Nathalie a du mal Ă  se dĂ©connecter du collĂšge » et y pense en permanence ». 43Ceux qui tĂ©lĂ©travaillent et ne voient pas le temps passer » Pierre, crĂ©ent des distinctions entre temps de travail, temps de loisirs et temps en famille. Nathalie, qui n’arrive pas Ă  trouver du temps pour [elle] » finit par s’imposer des moments qui [lui font] plaisir » un film avec ses enfants le soir pour ne pas ĂȘtre dans le travail, pour se vider la tĂȘte » ou la lecture le matin, avant leur rĂ©veil. Ainsi, lorsque les individus se trouvent dans un rapport au temps qui ne leur plaĂźt pas, ils trouvent des stratĂ©gies pour en sortir Flaherty, 2003 ; De Coninck, Guillot, 2007, soit en ralentissant les temps perçus comme bienfaisants pour avoir la sensation de les faire durer, soit en augmentant la frĂ©quence des activitĂ©s au sein d’un mĂȘme intervalle de temps, soit en allouant du temps, de maniĂšre dĂ©diĂ©e et rĂ©glĂ©e, Ă  un rituel journalier. Paul nous explique ainsi qu’il essaye de compartimenter » au mieux ses activitĂ©s pour gĂ©rer » le temps. Son carnet emploi du temps EncadrĂ© 2 indique des activitĂ©s qu’il classe en catĂ©gories distinctes RĂ©veil », Travail », Loisirs », Quotidien », Repas », Repos », Sport », Prise de nouvelles »  La catĂ©gorisation temporelle des activitĂ©s fait partie des stratĂ©gies dĂ©ployĂ©es pour y voir clair, diminuer l’incertitude et dessiner des frontiĂšres entre activitĂ©s. Extrait du carnet journalier de Paul, jour 2, activitĂ©s de 8 heures Ă  16 heures Horaires ActivitĂ©s principales Faites-vous autre chose en mĂȘme temps lecture, conversation, radio, TV... ? RĂ©alisez-vous cette activitĂ© avec une ou plusieurs autres personnes ? indiquez la ou les personnes 8h-9h 9h-10h RĂ©veil Je me rĂ©veille je me prĂ©lasse, je m’étire. Je rĂ©ponds aux messages reçus dans la nuit. Seul 10h-11h Quotidien Je petit-dĂ©jeune, puis je me rase, je prends ma douche. Je prends mon temps. J’écoute de la musique Seul 11h-12h Loisirs Je prends des nouvelles. J’appelle les personnes ĂągĂ©es de mon entourage. Je parle peu du virus, tente de leur changer les idĂ©es. Je bois un cafĂ© Ma tante et ma grande tante - par tĂ©l 12h-13h Loisirs + nouvelles Mon pĂšre me demande de l’aide pour son boulot et me missionne de chercher des infos sur le site du ministĂšre de la Culture. Ulysse* m’appelle, il a une idĂ©e de projet pour un Ă©vĂ©nement que j’organise. Mon pĂšre, un ami - par tĂ©l 13h-14h Travail On planche avec Jean sur mon prochain clip, on avance bien. Je bois un cafĂ© Un ami - par tĂ©l 14h-15h Travail J’échange avec Romain au sujet de mon projet. Je prĂ©pare Ă  dĂ©jeuner, ma sƓur vient de se rĂ©veiller. Un ami - par tĂ©l 15h-16h DĂ©jeuner On finit de manger Ă  15h45, vaisselle. Mon pĂšre, ma sƓur * Tout prĂ©nom a Ă©tĂ© modifiĂ© afin de garantir la confidentialitĂ© des donnĂ©es. CoprĂ©sence et manque de temps 44Lorsqu’ils sont confinĂ©s Ă  plusieurs, et en particulier avec de jeunes enfants, les enquĂȘtĂ©s disposent de moins de temps libre. Avec les enfants, on s’arrĂȘte pas. Non au contraire c’est plus rapide » Jean, 50 ans, gardien d’immeuble, confinĂ© avec ses trois enfants. Plusieurs raisons permettent de l’expliquer. En faisant le choix de la continuitĂ© pĂ©dagogique, c’est-Ă -dire d’une Ă©cole qui ne s’arrĂȘte pas », le Gouvernement a fait des parents des auxiliaires de l’école Payet, 2020. Cyril, qui tĂ©lĂ©travaille Ă  50 % pendant le confinement, doit, pendant ses moments de libertĂ©, s’occuper du travail scolaire de ses deux filles, avec qui il est confinĂ© une semaine sur deux. Il aide la plus petite, encore Ă  l’école, et surveille de loin » la plus grande qui est au collĂšge. Avec les enfants Ă  la maison, le temps consacrĂ© aux tĂąches domestiques mĂ©nage, courses, etc. augmente Ă©galement. Comme c’est le cas pour beaucoup de femmes Boring, SĂ©nac, Dominguez et al., 2020, Cyril et Jean, puisqu’ils sont confinĂ©s seuls avec leurs enfants, doivent assurer en mĂȘme temps l’éducation des enfants et les tĂąches domestiques, ce qui a pu peser sur leur temps de travail et leur temps personnel. 45Le confinement Ă  plusieurs dĂ©bouche sur des stratĂ©gies visant Ă  prĂ©server des moments en solitaire. Pour pouvoir travailler sans ĂȘtre dĂ©rangĂ© par ses filles, Cyril les autorise par exemple Ă  se coucher tard le soir. Elles se lĂšvent alors plus tard le lendemain et il peut se consacrer au travail de 9 heures Ă  13 heures. Mehdi 30 ans, footballeur professionnel confinĂ© dans une maison avec cinq membres de sa famille, fait ses exercices de renforcement musculaire dans le jardin. Par leurs stratĂ©gies spatiales et temporelles, les acteurs procĂšdent donc Ă  une sĂ©paration concrĂšte entre temps privĂ© et temps public Zerubavel, 1979. 46La possibilitĂ© de partager le temps et l’espace, et de limiter ainsi l’accĂ©lĂ©ration temporelle, repose sur des ressources liĂ©es Ă  des caractĂ©ristiques sociales et Ă©conomiques. Il est plus simple de rĂ©guler son accessibilitĂ© sociale » lorsque l’on dispose d’un grand logement et d’un espace Ă  soi dans celui-ci. Or en France, en moyenne, les propriĂ©taires sont mieux lotis que les locataires 36 m2/pers, et les cadres disposent d’une surface pour soi » plus grande que celle des ouvriers et employĂ©s ORS Paca, 2020. Les hommes cadres sont par ailleurs 47 % Ă  disposer d’une piĂšce dĂ©diĂ©e pour le tĂ©lĂ©travail pendant le confinement contre un quart des femmes selon l’enquĂȘte Coconel Lambert, Cayouette-RembliĂšre, GuĂ©raut et al., 2020. Temps Ă  rentabiliser » et poids de la socialisation temporelle 47L’injonction Ă  rentabiliser son temps » ou la culpabilitĂ© anticipĂ©e peuvent devenir motrices de surcharge temporelle. Pour Julien, Ă©tudiant en mĂ©decine, comme pour Clara, lycĂ©enne, il faut mettre Ă  profit ce temps de voir le temps qui s’arrĂȘte autour de moi me donne encore plus envie d’en profiter pour travailler ». 48Ce dĂ©sir de rentabiliser son temps peut trouver une explication dans les socialisations des individus, primaires et secondaires. Si le confinement est une rupture avec notre quotidien, les comportements ancrĂ©s ne changent pas du jour au lendemain. La stabilitĂ© de nos rapports au temps tient Ă  des socialisations de long terme qui ne sont pas remaniĂ©es Ă  la moindre impulsion. D’autant plus que nos rapports au temps relĂšvent d’ Ă©thiques temporelles » ils engagent nos rapports aux autres ĂȘtre dans l’instant pour ĂȘtre disponible », ĂȘtre ponctuel pour remplir ses engagements De Coninck, Guillot, 2007. Par exemple, Paul qui avoue avoir un problĂšme avec ça, avec la notion de rentabilisation du temps et de ce qu’on en fait », Ă©voque les habitudes acquises dans sa famille Mon pĂšre laisse beaucoup de temps Ă  son travail et ma mĂšre se laisse plus de temps pour d’autres choses, mais leur point commun c’est que c’est deux personnes particuliĂšrement organisĂ©es, qui depuis toujours m’ont mis cette pression, et ont tenu Ă  ce que ça fasse partie de mes valeurs. 49Lily explique quant Ă  elle la culpabilitĂ© ressentie Ă  ne rien faire » par l’habitude qu’elle a d’ĂȘtre poussĂ©e par sa patronne Ă  servir rapidement ses clients, Ă  ĂȘtre sans cesse sur le qui-vive pour que l’argent rentre dans la caisse ». La brĂšche comme source de narrations temporelles 50Plusieurs enquĂȘtĂ©s considĂšrent que la pĂ©riode du confinement est inĂ©dite, tant d’un point de vue collectif que d’un point de vue personnel. La brĂšche dĂ©stabilise, c’est une pĂ©riode particuliĂšre », exceptionnelle » ou anormale » qui entraĂźne un nouvel Ă©tat d’esprit ». Le temps se vit et se dit, s’interprĂšte en plusieurs sens. Face Ă  cet inĂ©dit et l’incertitude qui domine, les enquĂȘtĂ©s sont enclins Ă  chercher des repĂšres temporels et Ă  inscrire la pĂ©riode dans une narration plus longue. SchĂ©matiquement, cela passe par deux grands types de stratĂ©gies d’une part une mobilisation sĂ©lective d’élĂ©ments passĂ©s, vĂ©cus personnellement ou ancrĂ©s dans une mĂ©moire collective Halbwachs, [1950] 1997 ; Lavabre, 1998, d’autre part une projection dans l’avenir avec des scĂ©narios, des hypothĂšses et des anticipations. Dans les diffĂ©rents cas, le confinement est une brĂšche, dont la dimension dramaturgique et Ă©motionnelle prĂ©cĂ©demment dĂ©finie s’accompagne de narrations et de productions de sens. Les analogies avec le passĂ© pour comprendre le prĂ©sent 51En comparant la pĂ©riode de confinement Ă  des Ă©vĂšnements passĂ©s, les enquĂȘtĂ©s tentent de lui donner du sens. Par un ensemble d’activitĂ©s interprĂ©tatives de mĂ©moire, les expĂ©riences passĂ©es se dĂ©lient pour penser le prĂ©sent Flaherty, Fine, 2001. Globalement, cela passe par des analogies qui prennent deux formes, et nous permettent d’en savoir plus sur la maniĂšre dont les individus perçoivent et vivent le confinement l’analogie avec une pĂ©riode vĂ©cue personnellement et l’analogie avec des moments vĂ©cus collectivement. Maladie, rythme scolaire et vacances les analogies personnelles 52Les analogies entre le confinement et une expĂ©rience personnelle antĂ©rieure sont les plus frĂ©quentes. Un parallĂšle souvent dressĂ© relie le confinement Ă  des pĂ©riodes de maladie ou d’hospitalisation. DiffĂ©rents Ă©lĂ©ments permettent la comparaison pour Paul 25 ans, musicien, hospitalisĂ© en service de soins intensifs une vingtaine de jours l’annĂ©e passĂ©e, c’est l’enfermement imposĂ© ». Pour Camille, 27 ans, hospitalisĂ©e aprĂšs les complications d’un accouchement, c’est le fait d’ĂȘtre coupĂ©e du monde. Violaine, 38 ans, psychologue, parle Ă©galement du trĂšs long arrĂȘt de travail » qu’elle a connu deux ans auparavant. Quant Ă  Catherine, 51 ans, c’est le rapport au temps lui-mĂȘme qui lui rappelle un long arrĂȘt maladie, ce [mĂȘme] temps pour faire ce qu’elle n’a jamais le temps de faire ». 53Une autre comparaison mobilisĂ©e est celle du rythme de vie imposĂ© par les institutions scolaires. Deux de nos enquĂȘtĂ©s retraitĂ©s Jean-Pierre, 78 ans et Liliane, 79 ans se souviennent par exemple de leur jeunesse en internat dans les annĂ©es cinquante, oĂč rĂ©gnait une discipline trĂšs sĂ©vĂšre » le confinement rappelle Ă  Jean-Pierre ce rythme de vie imposĂ© et ce temps [qui] Ă©tait trĂšs long », et Ă  Liliane cette sensation d’ĂȘtre privĂ©[e] de libertĂ© ». Plus encore, quatre de nos enquĂȘtĂ©s plus jeunes ĂągĂ©s de 22 Ă  37 ans comparent le temps du confinement Ă  des pĂ©riodes de rĂ©visions. Tous Ă©voquent cette mĂȘme contrainte de l’isolement. Ces exemples rĂ©vĂšlent un ascĂ©tisme propre aux institutions scolaires internat, Ă©cole ou Ă©tudes supĂ©rieures. Tout comme la pĂ©riode de confinement, la scolaritĂ© est productrice de dispositions temporelles spĂ©cifiques, qui passent par une Ă©thique de l’effort et de l’autocontrainte Darmon, 2013, 2017. Cette idĂ©e peut d’ailleurs ĂȘtre mise en lien avec une autre analogie faite par deux enquĂȘtĂ©s pour Cyril 45 ans comme pour Jean-Pierre 78 ans, ce contrĂŽle de la vie sociale leur rappelle l’armĂ©e. 54Un tout autre type d’analogie personnelle s’oppose aux prĂ©cĂ©dentes celle faite avec des vacances, partagĂ©e par plusieurs enquĂȘtĂ©s et notamment les plus jeunes 14-26 ans. Cette fois-ci, les enquĂȘtĂ©s se rĂ©fĂšrent Ă  un souvenir plus doux marquĂ© par le repos et la tranquillitĂ©. Pour AmĂ©lie et Arthur Ă©lĂšves dans le secondaire, le dĂ©but du confinement s’apparente Ă  des vacances, bien que leurs interactions sociales et possibilitĂ©s de sorties diffĂšrent grandement de ce qu’ils connaissent en vacances. Pour JĂ©rĂ©my 21 ans, ingĂ©nieur en alternance, rentrĂ© dans une grande maison familiale avec piscine pour le confinement, c’est le cadre et les activitĂ©s qu’il peut y faire lorsqu’il termine sa journĂ©e de tĂ©lĂ©travail qui lui rappellent ce moment. D’autres comparent ces journĂ©es Ă  des pĂ©riodes de chĂŽmage ou de retraite Jules 25 ans, commercial ; Madeleine, 61 ans, comĂ©dienne et metteuse en scĂšne pour le temps dont ils disposent. Quand la mĂ©moire est collective les analogies historiques et fictionnelles 55Si les analogies personnelles sont nombreuses, les personnes interrogĂ©es se rĂ©fĂšrent Ă©galement Ă  la mĂ©moire partagĂ©e d’un Ă©vĂšnement passĂ© en collectivitĂ© - vĂ©cu ou non. Le passĂ©, ici reconstruit, est utilisĂ© pour justifier ou comprendre des reprĂ©sentations sociales prĂ©sentes Halbwachs, [1925] 1994, [1950] 1997. Paul 25 ans, musicien fait par exemple une comparaison entre la crise actuelle et ce qu’il nomme la pĂ©riode attentat » Le seul parallĂšle que je fais tout le temps, c’est avec la seule crise contemporaine que j’ai eu le sentiment de vivre, c’est toute la pĂ©riode attentat. C’était pas qu’en France parce qu’il y a une pĂ©riode c’était assez incroyable tous les jours il y avait des attentats dans des endroits diffĂ©rents. 56C’est le fait de vivre une crise » globale qui pour lui fait Ă©cho au confinement actuel. Paulette quant Ă  elle, 76 ans, tisse plusieurs parallĂšles entre la pĂ©riode prĂ©sente et des souvenirs de la Seconde Guerre mondiale racontĂ©s par sa famille la difficultĂ© Ă  s’approvisionner ainsi que la surveillance se retrouvent, mais elle note une diffĂ©rence dans l’atmosphĂšre Le danger Ă©tait palpable durant la guerre, lĂ , il est invisible. » Il ne s’agit pas lĂ  d’un souvenir personnel, mais d’un souvenir issu d’une mĂ©moire familiale qu’on lui a transmise. Paulette se souvient de la guerre sans mĂȘme l’avoir vĂ©ritablement vĂ©cue J’ai des souvenirs des autres », souligne-t-elle. 57Notons que les analogies mobilisĂ©es par nos enquĂȘtĂ©s ne renvoient pas uniquement Ă  des Ă©vĂšnements rĂ©els, elles peuvent aussi ĂȘtre fictionnelles. Ainsi, Pierre-Louis, 26 ans, professeur de français en lycĂ©e, fait un parallĂšle entre la pandĂ©mie de Covid-19 et La Peste d’Albert Camus lue l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Il y voit des problĂ©matiques » qui font Ă©cho Ă  la pandĂ©mie actuelle. 58Aussi variĂ©s soient-ils, ces souvenirs individuels et collectifs se rassemblent autour d’une mĂȘme fonction les enquĂȘtĂ©s se racontent, et cette narration leur permet de penser la pĂ©riode prĂ©sente en construisant de la cohĂ©rence. Projections dans le futur anticipations, incertitudes et traces » 59Si le confinement et la pandĂ©mie ont transformĂ© le quotidien des enquĂȘtĂ©s, cette pĂ©riode a Ă©galement modifiĂ© des projets qu’ils avaient dans le futur, voire leur perception mĂȘme du futur. Certains se projettent tant Ă  l’échelle individuelle que collective ; d’autres ont la volontĂ© de conserver des traces » de cette pĂ©riode exceptionnelle. Penser l’aprĂšs entre anticipations et incertitudes 9 DĂ©claration de M. Emmanuel Macron, prĂ©sident de la RĂ©publique, sur la mobilisation face Ă  l’épidĂ© ... 60Le confinement du printemps 2020 a dans un premier temps Ă©tĂ© annoncĂ© pour une durĂ©e de quinze jours au moins »9, puis prolongĂ© Ă  plusieurs reprises. Cette source d’incertitudes renouvelĂ©es n’a pas conduit tous les enquĂȘtĂ©s Ă  s’enfermer purement et simplement dans le prĂ©sent. Face Ă  un futur difficile Ă  envisager, la plupart des enquĂȘtĂ©s continuent de prĂ©voir », en Ă©mettant des hypothĂšses et scĂ©narios sur le dĂ©confinement et les conditions dans lesquelles il va se dĂ©rouler. 61Pour plusieurs, l’aprĂšs-confinement n’est pas vu comme une rupture avec le confinement, mais comme un prolongement de celui-ci, marquĂ© par une importance accrue des prĂ©cautions sanitaires. Anne 61 ans, femme au foyer parle d’ adaptation » un retour Ă  la vie d’avant est impossible. 62L’aprĂšs-confinement est souvent Ă©voquĂ© avec une certaine inquiĂ©tude. L’incertitude rĂšgne quant aux consĂ©quences sanitaires, Ă©conomiques et sociales de la pandĂ©mie. Pour Fanny 27 ans, assistante de galerie, le dĂ©confinement constitue une source d’inquiĂ©tude sociale J’ai un peu peur de retrouver une vie qu’on appelle “normale” ... ça m’a dĂ©sadaptĂ©e. » D’autres enquĂȘtĂ©s Ă©voquent une peur de continuitĂ©, voire d’un accroissement des restrictions de libertĂ©s individuelles Ă  la suite du confinement et plus gĂ©nĂ©ralement de cette crise. RaphaĂ«l 25 ans, artiste explique que l’aprĂšs-confinement ne lui fait pas peur en termes de santĂ© mais en termes de libertĂ©s individuelles, de sĂ©curitĂ©, de vie privĂ©e, de suspicion, d’intrusion et de contrĂŽle ». 63Notons que l’aprĂšs-confinement est aussi, plus rarement, l’objet d’optimisme. Paul 25 ans, musicien et Madeleine 61 ans, comĂ©dienne et metteuse en scĂšne pensent que la crise sanitaire pourrait servir de leçon » et dĂ©boucher sur un changement des mentalitĂ©s, avec un accent portĂ© sur la solidaritĂ© et l’écologie. Enfin, d’autres enquĂȘtĂ©s se projettent dans l’ aprĂšs-confinement » de maniĂšre plus concrĂšte, en Ă©voquant ce qu’ils feront le moment venu pendaison de crĂ©maillĂšre repoussĂ©e, anniversaires reportĂ©s, retrouvailles familiales et amicales, etc. Les horizons temporels ne sont donc pas uniformĂ©ment verrouillĂ©s, ils se dĂ©ploient Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles, et ce de maniĂšre non exclusivement dĂ©pendante – dans notre enquĂȘte - des moyens d’existence et des positions dans l’espace social. Se saisir de l’évĂšnement garder des traces » 10 C’est par exemple le cas de la sociĂ©tĂ© de production mk2 et du magazine TroisCouleurs qui ont lancĂ© ... 64Plusieurs personnes interrogĂ©es se saisissent du premier confinement en crĂ©ant une production autour de cette pĂ©riode particuliĂšre. RaphaĂ«l 26 ans, artiste, confinĂ© avec des amis Ă©galement artistes, Ă©crit une sorte de carnet de bord » sur le confinement et rĂ©alise avec ses amis des vidĂ©os autour de cette expĂ©rience ». Élisa 25 ans, Ă©lĂšve fonctionnaire produit une bande dessinĂ©e humoristique avec son copain sur des thĂšmes d’actualitĂ©s liĂ©s au confinement et Ă  la pandĂ©mie ; ils partagent rĂ©guliĂšrement ces images avec leurs proches. Enfin, Catherine 51 ans, conservatrice aux Archives nationales tient un journal de confinement » qu’elle rĂ©dige sur une plateforme en ligne avec ses enfants. Le capital culturel des enquĂȘtĂ©s semble jouer un rĂŽle important dans la mise en place de ces productions tous ont suivi des Ă©tudes supĂ©rieures Ă  bac + 5 et/ou Ă©voluent dans des milieux universitaires, de la recherche ou de la sphĂšre artistique. Par ailleurs, les invitations Ă  produire sur le thĂšme du confinement ont Ă©tĂ© nombreuses, plusieurs concours ayant Ă©tĂ© mis en place par diffĂ©rents organismes10. 65Ces productions semblent remplir trois fonctions une fonction d’occupation, de partage et de conservation. Cette derniĂšre fonction, qui vise Ă  garder des traces », est particuliĂšrement visible chez Catherine, conservatrice aux Archives, qui a dĂ©veloppĂ© le goĂ»t de l’archive » Farge, 1997 jusque dans la sphĂšre privĂ©e J’écris ce qui crĂ©e le confinement, j’écris des choses personnelles. Je pense qu’on est un certain nombre Ă  le faire, ça part de la volontĂ© de tĂ©moigner sur ce moment incroyable qu’on est en train de vivre. 11 C’est par exemple le cas des archives dĂ©partementales de Charente-Maritime et de Haute-Savoie Fran ... 12 Collecte participative », avril 2020, Mucem MusĂ©e des civilisations et de la MĂ©diterranĂ©e, http ... 13 Idem. 66La dĂ©marche de Catherine fait Ă©cho Ă  des collectes participatives menĂ©es par diffĂ©rentes institutions archives dĂ©partementales11, Mucem12, etc. qui ont dĂ©butĂ© pendant le confinement elles invitent les individus Ă  leur envoyer des objets qui symbolisent, incarnent, traduisent [leur] quotidien confinĂ© »13. Ces dĂ©marches tĂ©moignent de la tendance Ă  tout penser, y compris le futur, Ă  partir du prĂ©sent Hartog, 2003 l’évĂšnement est encore en cours et, dĂ©jĂ , on prĂ©pare les supports qui en tĂ©moigneront dans le futur. Notre enquĂȘte et l’article qui en est issu en font partie. Ils nous ont aussi permis de structurer notre propre temps, de suivre une dynamique collective, de rester en interaction malgrĂ© la distance et de donner du sens Ă  une pĂ©riode difficile Ă  comprendre. Conclusion 67Notre enquĂȘte sur le premier grand confinement prolonge et confirme des Ă©lĂ©ments connus de sociologie des temporalitĂ©s, tout en identifiant des Ă©lĂ©ments plus surprenants ou moins documentĂ©s, pensĂ©s Ă  l’aide de concepts philosophiques rarement utilisĂ©s. 68Parmi les faits dĂ©jĂ  bien Ă©tayĂ©s, nous avons pu montrer comment les expĂ©riences temporelles, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires, sont liĂ©es Ă  des conditions de vie et sont de ce fait plurielles et inĂ©gales. La façon dont se vit et se dit le temps en confinement diffĂšre selon le lieu de vie, la qualitĂ© de l’espace en volume et en nature et l’emplacement gĂ©ographique. Loin d’effacer ces inĂ©galitĂ©s, le confinement a rĂ©vĂ©lĂ© et amplifiĂ© quelques-unes d’entre elles, tout en suspendant certains de leurs effets ou en permettant Ă  des personnes de regagner en maĂźtrise temporelle. Les discours des enquĂȘtĂ©s rĂ©vĂšlent par ailleurs d’autres types d’inĂ©galitĂ©s sociales plus nuancĂ©es des caractĂ©ristiques comme le nombre de personnes avec qui les enquĂȘtĂ©s sont confinĂ©s seuls ou Ă  plusieurs ou l’ñge influencent Ă©galement le vĂ©cu de cette pĂ©riode particuliĂšre. En bref, nous ne sommes pas Ă©gaux face au temps, et la pĂ©riode de confinement permet, probablement mieux que d’autres, de le dĂ©montrer. 69De maniĂšre plus originale, nous avons proposĂ© de penser et d’intĂ©grer ces inĂ©galitĂ©s dans une rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale sur la crise comme brĂšche et polarisation sociale des temps vĂ©cus. Le premier confinement peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une brĂšche par la rupture et l’incertitude gĂ©nĂ©rĂ©es par cette mesure inĂ©dite, mais cette brĂšche n’est analysable ni sous l’angle d’une parenthĂšse de dĂ©cĂ©lĂ©ration gĂ©nĂ©ralisĂ©e, ni sous l’angle d’un grand enfermement temporel synonyme de rĂ©pĂ©tition et de pur prĂ©sentisme. Les analyses en termes d’accĂ©lĂ©ration et dĂ©cĂ©lĂ©ration, prĂ©gnantes dans le dĂ©bat public mais rarement discutĂ©es Ă  l’aune d’enquĂȘtes sociologiques empiriques, sont ici confrontĂ©es aux faits pour identifier les diffĂ©rentes modalitĂ©s d’expĂ©riences temporelles vĂ©cues. Le premier confinement n’est vĂ©cu comme une dĂ©cĂ©lĂ©ration que par une partie de nos enquĂȘtĂ©s, et il donne lieu Ă  une variĂ©tĂ© de perceptions et d’attitudes temporelles. La dĂ©cĂ©lĂ©ration ne peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une stratĂ©gie de parenthĂšse accessible Ă  toutes et tous, Ă  rebours de l’accĂ©lĂ©ration des vies contemporaines. Elle est plus ou moins bien vĂ©cue, plus ou moins synonyme de temps libĂ©rĂ©, de temps vide ou suspendu, et s’accompagne de formes paradoxales d’accĂ©lĂ©ration vĂ©cues simultanĂ©ment par d’autres personnes enquĂȘtĂ©es. Si elles sont prĂ©sentĂ©es sĂ©parĂ©ment, notons que ces modalitĂ©s de temporalitĂ©s vĂ©cues peuvent Ă©voluer, parfois mĂȘme se cumuler. La dĂ©cĂ©lĂ©ration ne peut donc rĂ©sumer l’expĂ©rience du confinement, et encore moins celle de la crise actuelle dans sa globalitĂ©. Il faudrait plutĂŽt la voir comme une expĂ©rience temporelle s’insĂ©rant dans un feuilletage » de temporalitĂ©s individuelles et collectives et une polyrythmie » Chauvin, 2020 que la brĂšche tout Ă  la fois bouscule et explicite. L’incertitude radicale de la brĂšche rend plus manifeste la polyphonie sociale du temps, et plus importantes et significatives les tentatives de narrations articulant passĂ©, prĂ©sent et futur
 en vue des basculements et bifurcations Ă©ventuelles que nous nous apprĂȘtons Ă  emprunter et faire Ă©merger.